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Le phénomène d'emprise psychologique (partie 1)


Qu'est-ce que c'est au juste ?


Nous allons nous concentrer sur un phénomène peu décrit dans la littérature psychologique, par rapport à d'autres, celui de la relation d'emprise. Vous pourrez retrouver dans un autre article davantage d'informations sur : l'emprise au sein du groupe, que faire lorsque l'emprise est là, et l'emprise en situation de relation thérapeutique.


La relation d'emprise a été caractérisée comme suit :


"Dans la relation d'emprise il s'agit toujours et très électivement d'une atteinte portée à l'autre en tant que sujet désirant qui, comme tel, est caractérisé par sa singularité, par sa spécificité propre. Ainsi, ce qui est visé, c'est toujours le désir de l'autre dans la mesure même où il est foncièrement étranger, échappant, de par sa nature, à toute saisie possible. L'emprise traduit donc une tendance très fondamentale à la neutralisation du désir d'autrui, c'est-à-dire à la réduction de toute altérité, de toute différence, à l'abolition de toute spécificité ; la visée étant de ramener l'autre à la fonction et au statut d'objet entièrement assimilable." (Dorey, 1992, 1426-1427).

Dans l'emprise, c'est bien l'autre comme sujet désirant, singulier et unique qui est nié (Dorey, 1992).

Elle a trois dimensions :

  • la prise (appropriation de l'autre par sa dépossession)

  • la domination (par l'exercice d'un pouvoir suprême)

  • l'emprise même - conséquence de l'appropriation-domination, laissant sur l'autre son empreinte (Dorey, 2013).


Par quels moyens et comment se manifeste l'emprise ?


Parmi les moyens le plus souvent employés, nous retrouvons l'utilisation de la séduction et de la peur afin d'exercer une forme de domination sur la personne victime du phénomène d'emprise psychologique. Il s'agit en quelque sorte d'une "vampirisation psychique" (Le Goff-Cubilier).


La relation d'emprise est abusive et mène dans bien des cas à de véritables traumatismes psychologiques. La relation peut être à ce point toxique que la personne sous emprise ne peut et/ou ne sait pas comment réagir, et peut aller jusqu'à renforcer le phénomène en y contribuant activement, se rendant objet ayant perdu sa subjectivité propre (Payet, 2013).


Dans la relation conjugale - lieu d'emprise fréquent mais loin d'être unique - l'emprise prend la forme d'un système totalitaire, passant entre autres par des intimidations, du dénigrement, des accusations, de l'isolement, de la surveillance, visant au final à amener la personne victime à se percevoir comme n'ayant pas de valeur (Hanafy & Marc, 2017). Les violences peuvent être à la fois physiques, sexuelles et psychologiques.

Selon l'OMS, il s'écoule généralement six années de vie conjugale avant le départ de la personne emprisée.

Des profils d'empriseur-e-s?


D'après Hanafy et Marc (2017), les empriseur-e-s manipulante leurs victimes présentent des failles narcissiques, et ont généralement subi des carences affectivo-éducatives dans leur enfance. Victimes eux/elles-mêmes de traumatismes, ils/elles reproduiront souvent ces modes relationnels, adoptant alors maintenant le rôle de bourreau, et par là, alimentant leur orgueil narcissique.


Quatre aspects sont souvent en cause :

  • la représentation de soi est basée sur des failles narcissiques, un manque d'introspection, et à une pauvreté dans l'expression de ses émotions ;

  • dans son interaction avec autrui, l'empriseur-e devient coûte que coûte dominant-e afin de ne pas être dominé-e ;

  • son affectivité est constamment neutralisée par un stress lié à la représentation de soi

  • son adaptation au monde est généralement faible.

Ses agirs déviants dans sa relation avec l'emprisé-e viennent apaiser une forme de stress, par le biais d'un état dissociatif, clivé, concomitant à une anesthésie émotionnelle, précédant parfois un passage à l'acte violent.


Qui est à risque ?

Il est important de souligner que toutes les relations interpersonnelles peuvent donner lieu, à des degrés divers, à des phénomènes d'emprise.

Toutefois, toutes ne sont pas pathologiques et destructrices. Potentiellement, toute personne est susceptible de montrer des failles à l'un ou l'autre moment de sa vie, et selon les circonstances (p.ex., sociales, économiques, psychologiques), il est possible qu'elle soit prise dans un engrenage relationnel qui mène à un phénomène d'emprise avérée.


La personne emprisée, après son départ, peut revenir, en apparence d'elle-même, dans la relation d'emprise, à la grande incompréhension souvent de ses proches. Ceci est dû à sa mémoire traumatique associée cette relation toxique. De telles relations peuvent déboucher sur de véritables psychotraumatismes, donnant lieu à de l'évitement, de l'hypervigilance, des images intrusives, de l'irritabilité, de l'agitation, etc.


Tant du côté de l'empriseur-e que de l'emprisé-e, nous nous trouvons face à des états dissociatifs et des clivages psychiques, ces personnes ne faisant alors plus tout à fait le lien avec la réalité.


Dans la partie 2 de cet article, vous pourrez en savoir plus sur les questions suivantes :

- Comment se passe l'emprise au sein d'un groupe (emprise sectaire)

- Que faire lorsqu'une situation d'emprise de manifeste

- L'emprise dans le cadre de la relation thérapeutique, comment en prendre conscience



Liens utiles


Bibliographie

  • Diet, Emmanuelle (2007). La groupalité sectaire : Emprise et manipulation, in Edith Lecourt, Modernité du groupe dans la clinique psychanalytique (pp. 149-164). Actualité de la psychanalyse, Eres.

  • Dorey, Roger (1992). Le désir d'emprise : Discussion du rapport de Paul Denis sur "Emprise théorie et des pulsions", in Paul Denis, De l'emprise (pp. 1423-1432). Revue Française de Psychanalyse, 5.

  • Dorey, Roger (2013). Chapitre 7 : La relation d’emprise, in Roland Coutanceau et al., Troubles de la personnalité (pp. 88-112). Psychothérapies, Dunod.

  • Hanafy, Isis ; Marc, B. (2017). Analyse médico-psychocriminologique de violences contemporaines. Ethids, Medicine and Public Health, 3, 74-82.

  • Le Goff-Cubilier, Valérie. Clinique de la relation d’emprise dans le couple et principes de traitement.

  • Padovani, Patricia (2017). Victimologie de l’emprise mentale : Abus de situation de faiblesse sur des patients en psychothérapie. Diplôme universitaire : victimologie.

  • Payet, Geneviève (2013). Emprise psychologique, in Marianne Kédia et al., L'Aide-mémoire de psychotraumatologie (pp. 114-120). Aide-Mémoire, Dunod.


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